OMEV-Webinaire :  Les Femmes et l’Extrémisme Violent 

L’Obserbatoire Marocain sur l’Extrémisme et la Violence (OMEV) a organisé, le Samedi 16 Mai 2020, une webinaire sous le thème « Les Femmes et l’Extrémisme Violent ».
La Première intervention étant celle de Saloua Soumati, Chercheuse de l’Université Mohammed V de Rabat et membre de l’OMEV, sur « La Femme et les Groupes Jihadistes », à travers laquelle elle a expliqué les trois perspectives de sa recherche, pour comprendre les raisons pour lesquelles les femmes ont été recrutées par des groupes djihadistes, les raisons pour lesquelles elles rejoignent un groupe djihadiste et enfin le rôle qu’elles jouent au sein des groupes djihadistes.
En fait, la première raison pour laquelle les femmes sont recrutées par les djihadistes, est le manque de disponibilité des terroristes, en profitant des diversités socioculturelles qui permettent à ces femmes de s’occuper de la logistique des attaques terroristes et des informations technologiques. Deuxièmement, ces femmes sont également recrutées pour exercer des opérations extérieures. Enfin, elles recrutent également un plus grand nombre de personnes qui peuvent rejoindre et accepter ces offres extrémistes.
D’autre part, selon Saloua Soumati, les raisons pour lesquelles les femmes rejoignent les groupes djihadistes sont les suivantes : problèmes de crise d’identité, sentiment d’être liées à leurs maris, frères et pères, pauvreté, mariage et enfin fascination pour les discours des terroristes. En ce qui concerne la crise d’identité, les femmes ne croient plus en elles-mêmes. En fait, les femmes ont constamment besoin d’un homme pour les protéger. Ensuite, les facteurs familiaux, où les femmes rejoignent leurs frères et leur mari pour lutter contre les ennemis de Dieu, expliquent les premières raisons. Troisièmement, la pauvreté reste une autre raison. Une femme pauvre et sans éducation sera plus vulnérable pour rejoindre le djihadisme. C’est pourquoi de plus amples explications seront données lors de l’intervention de Yasmine El Abdessalami. Le mariage, c’est le fait que la femme cherche constamment le prototype idéal de l’homme, celui qui lui apportera toute la protection dont elle a besoin.
La fascination pour les stratégies opérationnelles du terrorisme, joue avec ces femmes des émotions profondes et des sentiments de tristesse et de culpabilité. Enfin, la vengeance. En plus de cela, Saloua a pleinement expliqué que le rôle de ces femmes est de servir dans l’élaboration des stratégies opérationnelles, de se marier et d’éduquer leurs enfants avec les mêmes croyances et pensées, de diffuser et de partager les campagnes terroristes, de rédiger des discours et enfin de recruter d’autres personnes.

Diplômée de l’Université al Al Akhawayn et membre de l’Observatoire Marocain sur l’Extrémisme et la Violence, Yasmine El Abdessalami, a expliqué, lors de son intervention qu’il faut revenir à la conclusion que la pauvreté et les conditions socio-économiques vulnérables, pourraient constituer un des facteurs qui induisent en erreur la perception des femmes habitant les bidonvilles.
Suite aux deux attentats suicides à la bombe de douze adolescents vulnérables venant du quartier de Sidi Moumen. Le programme “Villes sans Taudis”, qui figure parmi les principales priorités des Nations unies en 1999, vise à éradiquer les taudis et à éliminer les facteurs qui pourraient conduire les femmes soumises, sans éducation, conservatrices, facilement influençables, fascinées par le profil prototype des hommes. Par conséquent, l’ethnocentrisme et l’ethnorelativisme constituent tous deux les facteurs du manque d’assistance socio-psychologique pendant la transition qui pourrait les conduire à devenir plus vulnérables et facilement endoctrinées pour rejoindre les groupes extrémistes et djihadistes ou du moins les tolérer et cohabiter avec eux.
L’ethnocentrisme est donc défini dans une perspective psychologique de déni, de défense et d’absence de zone de confort. D’autre part, l’Ethno-relativisme qui s’explique également dans une perspective psychologique, définit les variables d’acceptation, d’adaptation aux nouvelles différences et enfin d’intégration. Les deux variables sont reliées entre elles et ont été expliquées dans un ordre chronologique des circonstances.
Être une femme sans éducation, isolée, pauvre, conservatrice et soumise et devoir se déplacer d’un endroit à un autre complètement différent pourrait changer et réajuster leur perception de la sous-culture de l’autre. L’autre est ici renvoyée à l’autre classe sociale qui a de meilleures opportunités. Par conséquent, à l’intérieur de ces deux variables, on passe d’une différence culturelle profonde et d’un déni de celle-ci à une autre phase qui est l’incapacité à accepter, à s’adapter et à s’intégrer là où l’autre existe. Les autres sous-cultures interviendront donc pour modifier les conditions de vie antérieures de ces femmes et leur demander de s’adapter à ce nouvel environnement entouré de deux autres classes sociales, de normes sous-culturelles différentes et de valeurs et comportements sous-culturels.
Cependant, Yasmine El Abdessalami ne veut pas dire que nous devons changer les sous-cultures et les normes sous-culturelles de ces femmes. En fait, nous venons tous de cultures différentes. Sa préoccupation aujourd’hui est de travailler pour des politiques urbaines inclusives qui devraient prendre en considération les facteurs comportementaux et cognitifs, et de travailler à réduire les facteurs qui pourraient les conduire à devenir plus vulnérables et à accepter des offres extrémistes violentes. L’une des recommandations qu’elle a proposées se caractérise par le fait que des organismes tels que les organisations non gouvernementales devraient offrir une assistance sociale et psychologique par le biais d’ateliers et de centres de conseil.

En outre, lors de son intervention, Maha Ghazi, Chercheuse de l’Université Mohammed V de Rabat, a veillé à expliquer que le nombre de femmes jihadistes est inférieur à celui des hommes. Selon la Délégation Générale de l’Administration Pénitentiaire et de Réinsertion du Maroc, les statistiques officielles ont communiqué qu’en 2017, sur les 900 à 1000 prisonniers qui purgeaient déjà leur peine de prison en vertu de la loi sur le terrorisme, il n’y avait que 11 femmes dans les cas concernés. Ce qui conduit à deux conclusions j :
La première question est liée à l’adaptation psychologique des femmes détenues dans les affaires de terrorisme en prison. L’expérience marocaine prouve que l’évaluation dynamique des risques et la politique de séparation sécuritaire qui vise à isoler les prisonniers de droit public des prisonniers d’extrémisme et de terrorisme n’est pas seulement une bonne politique en termes de sécurité, mais aussi une mesure qui a aidé les femmes condamnées pour des questions d’extrémisme et de terrorisme à s’adapter. Il est apparu clairement que ces femmes participaient davantage aux activités religieuses, sportives et culturelles menées par la Commission générale de l’administration pénitentiaire, et qu’elles étaient moins susceptibles de protester que les hommes. Ainsi que le bon comportement et l’absence de violation et de menaces pour la sécurité. Ainsi, nous pouvons conclure à l’absence de tension entre l’administration pénitentiaire et les femmes détenues pour terrorisme, et à la capacité d’intégration de ces femmes.
La deuxième question concerne l’effet d’un petit nombre sur le risque de polarisation et de mobilisation au sein des prisons. Dans le cas du Maroc, il n’y a absolument aucune inquiétude quant à la polarisation féminine, d’abord parce que ces femmes ne disposent pas d’un réseau cohérent, ni d’une rigueur charismatique basée sur la répartition des rôles, le leadership et la capacité à persuader les autres sur le plan idéologique. La plupart des femmes détenues dans des affaires de terrorisme ont été victimes de la polarisation des médias sociaux ou d’une polarisation au sein de la famille.
Les femmes arrêtées sur la base de la législation antiterroriste au Maroc, n’ont pas de casier judiciaire ou de récidive, elles n’ont également joué qu’un rôle secondaire dans les crimes liés à la coordination, la préparation et la participation. Cela explique la raison pour laquelle la peine maximale que ces femmes avaient auparavant n’était que des six ans de détention.
Bien que le chercheur mette l’accent sur la capacité de ces femmes à se réinsérer après avoir purgé une peine de prison, l’exception reste pour elles, la subordination de l’extrême masculinité, par les membres de la famille : époux, frères, fils. Cela reste un obstacle et une barrière de sortie pour les femmes détenues pour le processus de désengagement.
La dernière intervention présentée par Salma Abirou, sur la femme en tant victime du terrorisme, à travers laquelle elle a expliqué que le terrorisme est considéré aujourd’hui comme l’un des fléaux les plus répandus en termes de négation de l’Humanité. Le terrorisme du 19ème siècle visait les personnes du gouvernement. En revanche, aujourd’hui, les victimes ne sont pas spécifiquement visées. En fait, la victime joue un rôle majeur auprès de l’État et de son gouvernement pour combattre le terrorisme et ses facteurs de radicalisation. La victime peut certainement témoigner de l’acte terroriste, de son niveau de danger et peut également créer des idéologies antiterroristes et anti-radicalisées au sein des organisations non gouvernementales. Toutefois, leur réparation est considérée comme un soutien socio-psychologique et matériel pour eux deux ainsi que pour leurs familles. Leur indemnisation est donc basée sur le principe de la restitution et de l’indemnisation globale.
Selon le droit international, sur le respect de l’ordre chronologique, la première technique qui protège les victimes potentielles du terrorisme est de fournir des incriminations qui vont décourager les auteurs potentiels de la terreur de commettre tout acte de violence et d’extrémisme contre les personnes visées. C’est pourquoi il existe 11 instruments universels qui prévoient des incriminations dans ces cas. La communauté internationale vient de donner une intention aux questions des victimes du terrorisme et avait déjà appelé les Etats à intervenir en prenant des mesures immédiates et efficaces pour les soutenir. Nous pouvons compter sur eux :
– La Déclaration de Madrid sur les victimes du terrorisme dans le cadre du Forum international contre le terrorisme.
– La résolution 60/288 de l’Assemblée générale des Nations unies, lancée le 8 décembre 2006 en tant que stratégie internationale de lutte contre le terrorisme.
– Les discussions de la réunion du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur les droits fondamentaux des victimes du terrorisme, lancée le 1er juin 2011.
En plus de cela, nous pouvons observer qu’il y a un manque de protection et de soutien aux victimes du terrorisme dans le droit pénal marocain, et donc en termes de tous les instruments internationaux et régionaux liés à la lutte contre le terrorisme. Cependant, le Maroc a garanti des droits aux victimes et à leurs proches, quelle que soit leur nationalité, soit par l’obtention de compensations financières, soit par des indemnisations du Comité de réconciliation visé dans la loi réglementant l’institution judiciaire.
Traitement judiciaire :
La famille d’un citoyen espagnol décédé après l’incident terroriste survenu à l’hôtel Asni Atlas de Marrakech le 24 août 1994 a demandé une indemnisation au tribunal administratif de Rabat, qui a rendu sa décision. (Décision n° 911 du 9 novembre 2001 dans le dossier administratif, demande d’indemnisation n° 1052,99 t.)
Traitement non judiciaire :
L’Etat a alloué une subvention financière sur son budget public au profit des victimes des attentats terroristes du 16 mai 2003 à Casablanca a été, selon le décret royal n° 1.03.178 du 11 septembre 2003.
En outre, la Commission des finances et du développement économique de la Chambre des représentants a adopté le 20 juin le projet de loi 110-14, relatif à la création d’une couverture de sécurité sociale contre les catastrophes naturelles et les attentats terroristes.
Les victimes ne constituent pas un groupe homogène. Elles ont des besoins différents, et parmi les cas exceptionnels, on trouve la femme qui, au fil du temps, a été une victime potentielle de l’idéologie djihadiste et du terrorisme à l’échelle internationale. Les groupes terroristes comme Daech, Boko Haram et Al-Chabab font preuve de plus en plus de créativité dans leur façon de détruire leur vie. Plusieurs femmes ont été enlevées, violées, torturées et tuées de la manière la plus cruelle qui soit. L’affaire Chamharouch en est la preuve ultime dans le cas du Maroc. Sans parler de l’ampleur du prix des crimes à caractère sexuel en Irak et en Syrie, ainsi que de l’utilisation de la violence sexuelle par les terroristes à des fins politiques et militaires.
Par conséquent, et comme la criminalisation de l’acte de terrorisme est la technique de base de la protection des victimes. La défense des valeurs d’un islam modéré, l’intégration des valeurs d’égalité, de tolérance et de paix dans nos systèmes éducatifs et la criminalisation de toutes les formes de violence à l’égard des femmes sont les instruments élémentaires pour protéger les femmes contre les actes terroristes dont elles pourraient être victimes.
Ces dernières années, un nouveau problème de victimisation des femmes est apparu ; la question du retour des femmes des zones de tension fait l’objet de discussions depuis 2015. En référence au Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution (2001) 1373 sur la lutte contre le terrorisme, qui ne précise pas le sort des “combattants étrangers” qui constituent une grande partie des groupes terroristes en Irak et en Syrie. La communauté internationale est restée confuse quant à la manière dont elle va traiter ce fléau.

Le webinaire a été modéré par El Mostafa Rezrazi, Président de l’OMEV, Professeur de Gestion de crise et Senior Fellow au Policy Center for the New South, avec la Participation de quatre chercheuses de différentes Universités Marocaines et membre de l’OMEV.

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